La faim et les moyens

Les traditions. Socle séculaire sur lequel repose des coutumes ancestrales, de vagues habitudes devenues culturelles. En France, pays des droits de l’Homme et du fromage, la gastronomie est partie intégrante d’un patrimoine qui fait la fierté de Jean-Pierre Coffe, égérie de Leader Price et dépositaire du bon goût. A l’inverse en Somalie, c’est la famine qui demeure la spécialité locale ; tant le téléspectateur repus devant le journal de 20 heures semble s’être accoutumé aux images récurrentes d’enfants rachitiques, regard dans le vague et mouches autour des yeux. Et si l’envie lui vient de vomir ses flageolets, ce n’est pas par dégoût d’une situation humanitaire insoutenable, mais bien à cause du cassoulet promu par l’ex-pourfendeur devenu vendeur de malbouffe.

Car la cause ne mobilise plus. L’ordre des choses rassure. Le fatalisme tue. Force est de constater qu’en cuisine, chez les grands chefs décideurs, la famine ne fait plus recette. Bernard Kouchner, médecin sans scrupule, a rapidement compris que parcourir le monde pour venir en aide aux « sans-voix » n’en rapporte aucune à l’échelle d’une élection nationale. Pas plus que ne rapporte la solidarité pour l’actionnaire Lagardère, qui préfèrera toujours une bonne guerre au nom du PIB, plutôt qu’une intervention pacifique au nom d’un pays sans blé.

Pourtant, la fibre altruiste vibre encore. Tout espoir n’est pas mort. Parfois, dans un sursaut de générosité, des hommes et des femmes se dressent contre l’injustice d’une situation devenue critique. Par exemple, si un enfant somalien était une banque en péril, c’est une chaîne de bonnes volontés, unies dans la fraternité et soutenues par les gouvernements qui serait mise en place d’urgence pour lui venir en aide. Mais tel n’est pas le cas et, malheureusement pour lui, il n’est pas près de sentir l’odeur de l’oseille qui agrémentera sa galette de terre.

Encore s’il eut été un autobus gastronome, amateur de colza, il aurait bénéficié de millions d’hectares de terres cultivées pour produire des agrocarburants. Mais il n’est qu’un enfant. Faible et silencieux. Pas rentable donc inutile. Une victime de plus d’un génocide banal et quotidien. Pas d’arme, pas de bourreau désigné. Un crime parfait contre l’humanité.

A quoi pense-t-il lorsqu’une caméra de télévision le fixe d’un regard obscène, pour témoigner de son sort à des familles au frigo remplit de yaourt 0% ? Imagine-t-il seulement que la vue de sa silhouette squelettique est aussi familière à l’occidental moyen que ne l’est pour lui la souffrance, l’indifférence généralisée ? A-t-il encore l’espoir que lors de la prochaine livraison de matériel militaire à son pays, ne se glisse entre les munitions quelques sacs de provisions, promesse de repas frugal mais salvateur ?

En attendant, il peut toujours rêver la bouche ouverte.

Retrouvez Guillaume Meurice sur Le coq des Bruyères 

Comments

[Sylvie]

J'ai dû faire une erreur !

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Enfin tu trouveras ! :-)

Bisous. ☼☼☼☼

[Sylvie]

Bien triste réalité !!!! :-(

J'ai signé cette pétition ce matin... Je sais une goutte d'eau dans cet océan de misère.... :-(


:url:www.mesopinions.com/Au-secours-Afrique--petition-petitions-aae1c2576e87285d3c4c5f9cf72aaafd.html#signer-petition

Bonne journée et gros bisous.

Sylvie et Lauren