Un dimanche à la Bastille

Les dimanches se suivent et ne se ressemblent pas. Médiatiquement parlant, une semaine plus tôt, il n’y en avait que pour la démonstration de force de Sarko à Villepinte, devant un parterre de militants UMP, bien triés, et 7 jours plus tard, en plein air, une foule impressionnante à La Bastille et qui dépasse toutes les espérances des organisateurs, enfin des vrais gens qui viennent de leur plein gré, avec en plus un fond de fête populaire. La couleur rouge dominait sur la place et faisait oublier la grisaille de la météo.
Mélenchon qui est le seul à véritablement bousculer les sondages et les sondeurs qui sont en train de comprendre qu’une bonne partie de la population française a besoin de radicalité pour sortir de l’eau tiède servie tous les jours, Mélenchon, pour qui je n’ai pas d’admiration particulière, sans doute à cause d’un manque d’humour sur lui-même, et un besoin d’arrogance souvent mal dissimulée, Mélenchon a fait un discours admirablement dosé, entre le lyrisme, les points concrets de son programme, et les perspectives. On sait que Mélenchon est un tribun hors pair, sans doute le meilleur de la campagne, et il l’a prouvé, en ce dimanche, d’une autre manière, en trouvant la bonne durée, vingt minutes, pour correspondre à l’attente qui doit être celle d’un tel rassemblement populaire. Il est vrai qu’on était bien loin des 30 000 personnes annoncées avant l’événement. On a dit qu’elles étaient  plus de 100 000 et je n’ai pu m’empêcher, en les voyant toutes serrées d’avoir une pensée pour celles qui se trouvent au centre de la place avec une envie de pisser ou autre ; de ces envies basiques qui te font renier toutes convictions politiques. Mais je suis un être primaire qui aura toujours du mal à privilégier les fonctions politique face aux fonctions vitales. Et donc pour le grand soir, la grasse matinée doit être encouragée.

Alors un Front de Gauche à plus de 10 %, c’est une bonne nouvelle, et c’est même une bonne nouvelle pour Hollande, qui se trouvera renforcé même si cela risque de rendre sa situation moins confortable et les consensus à gauche moins faciles à trouver. Le peuple redresse la tête, on ne peut que s’en réjouir, surtout qu’on avait un peu trop tendance à croire que le monde ouvrier répondait de plus en plus aux sirènes du F.N. Mais les valeurs de solidarité, de liberté, de fraternité ont encore un écho chez tous ceux qui, tout en côtoyant au quotidien, la pauvreté et l’exclusion, ne cherchent pas de bouc-émissaire, le fonds de commerce de la Marine nationale et de ses bons Aryens. Alors, je ne m’arrêterais pas plus que nécessaire sur la prestation et le personnage de Mélenchon, puisqu’il a dit qu’il ne cultivait pas le culte de la personnalité, déclaration en aucun cas sincère, mais sur cette idée de la jeunesse de la rue en mouvement. Les jeunes de l’UMP qui sont vieux depuis leur naissance, trouveront sans doute que ces rassemblements populaires sont d’un autre âge, que le passé ressurgit, eh bien, de mon côté,  je  suis content que cela puisse encore exister malgré l’intox permanente orchestrée par les libéraux médéfisés, et que l’ombre d’une propagation à l’Europe, avec les exploités de Grèce, du Portugal de l’Espagne et des autres puisse continuer à se répandre.
Alors, pour tous les militants UMP qui auront compris en ce dimanche ce qu’était un candidat du peuple, je dirais : « Et encore bravo ! »

Un article de Thierry Rocher pour Le coq des bruyères